Le 12 décembre dernier, Thalès annonçait la signature d’un nouvel accord de partenariat avec l’Université Nice Sophia Antipolis pour « accompagner les étudiants et futurs étudiants en situation de handicap dans leur accès à l’enseignement supérieur et au monde du travail ». Comme de précédents accords avec d’autres universités et écoles d’enseignement supérieur, le partenariat prévoit la possibilité d’une aide financière pour l’aménagement de postes ainsi qu’un engagement du groupe à accueillir des étudiants handicapés en stage ou en alternance.
A l’instar de la mission insertion de Thales, les missions handicap de la plupart des grandes entreprises multiplient les accords de partenariat avec les grandes écoles et les universités. Accueil de stagiaires, bourses, mise au point d’aides techniques et technologiques, formation des étudiants à la diversité, organisation de forum emploi, la question du handicap génère de nouvelles synergies entre les deux secteurs. Des partenariats facilités par la loi de 2005 sur le handicap, qui a accentué la pression tant sur les entreprises que sur les établissements d’enseignement supérieurs, pour les inciter à accueillir davantage de salariés ou d’étudiants handicapés. Nombre de ces deux entités ont mis en place une structure ou un référent dédiés à l’accueil des personnes en situation de handicap, facilitant ainsi la réalisation de partenariats communs.
Les entreprises, de leur côté, se sont rapidement aperçues que leur politique de recrutement de personnes handicapées était plus difficile à réaliser que prévu. Les statistiques du tableau de bord de l’Agefiph pour le premier semestre 2011 font en effet apparaître que 30% des demandeurs d’emploi en situation de handicap ont un niveau inférieur au CAP, et 60% un niveau inférieur au bac. Un faible niveau de qualification qui a une incidence directe sur leur recherche d’emploi : 49% des travailleurs handicapés sont en chômage longue durée contre 37% pour le reste des demandeurs d’emploi.
« Prendre les jeunes le plus tôt possible pour les emmener le plus loin possible »
Alors que les entreprises courtisent les jeunes diplômés en situation de handicap, une bonne partie des demandeurs d’emploi handicapés continuent aujourd’hui de chercher un emploi désespérément : « Nos efforts de recrutement butaient sur le faible niveau de formation des personnes en situation de handicap, pour nous qui ne recrutons pas à moins de bac +2 » explique Dominique Delwaide, chargée de recrutement à la mission handicap d’Alcatel Lucent. Pour encourager les jeunes à poursuivre leur études, l’entreprise vient de créer l’association “A talent égal” avec six écoles partenaires. L’objectif est d’accompagner les étudiants en situation de handicap dans la préparation d’un diplôme (de BAC+2 à BAC+4/5) et de favoriser leur insertion professionnelle dans le domaine des télécom.…
Pour les entreprises, ces partenariats constituent un moyen de nouer des contacts privilégiés avec les étudiants et de les encourager à aller le plus loin possible dans leurs études. « Les enfants en situation de handicap sont souvent orientés en filières courtes, alors qu’ils peuvent aller beaucoup plus loin», commente Dominique Delwaide. De fait, cette politique de partenariats conduit désormais les entreprises à aller chercher des candidats potentiels de plus en plus en amont. Patrick Dudouit, chargé de mission handicap chez Technip France, qui ne recrute pourtant pas à moins de bac+5, en est convaincu : « Il faut prendre les jeunes le plus tôt possible pour les emmener le plus loin possible. La sensibilisation commence dès la 4eme, et les stages de 3eme sont l’opportunité d’une première prise de contact ». Pour ce travail auprès des collégiens, son entreprise a rejoint l’association Arpejeh. Cette structure, qui joue un rôle d’interface entre le milieu scolaire et le monde du travail, regroupe aujourd’hui une quarantaine de grandes entreprises et d’établissements public pour accompagner les jeunes handicapés dans la construction de leur projet professionnel.
Parallèlement à cette population, les entreprises ont commencé à s’ouvrir à la formation des candidats plus âgés, dont le handicap est survenu suite à un accident du travail ou de la vie. Précurseur dans ce domaine, Manpower a noué depuis 2006 un accord de partenariat avec le réseau national de la Fagerh qui regroupe la majorité des Centres de réadaptation professionnels (CRP) où sont formées et accompagnées chaque année 11 000 personnes. Société Générale soutient également un nouveau projet de l’Union Nationale des Entreprises Adaptées à travers l’Unea Académie, pour soutenir les démarches de formation (de type contrat de professionnalisation ou VAE) des travailleurs du secteur adapté qui n’ont souvent aucune qualification.
Les entreprises se structurent par secteur
Pour mieux structurer ces initiatives foisonnantes, les entreprises tendent à s’organiser par secteur professionnel. Plusieurs entreprises du secteur de l’aéronautique ont créé par exemple l’association Hanvol en mars 2010 pour favoriser la formation et l’insertion professionnelle de travailleurs en situation de handicap dans l’industrie aérospatiale. Le programme ne s’adresse pas seulement aux jeunes mais aussi aux personnes de plus de 40 ans, aux chômeurs de longue durée et aux personnes peu qualifiées. L’association propose notamment une pré-formation de dix semaines pour aider les candidats à être en mesure de se positionner dans les formations en alternance : remise à niveau en mathématique et en physique, respect du rythme de travail, travail en équipe et découverte des métiers de l’aéronautique, qui jusque là leur paraissaient inaccessibles.
Le secteur bancaire a été pionnier dans ce domaine, en mettant au point dès 2007 son propre programme de formation en alternance réservé aux personnes en situation de handicap : HandiFormaBanque. Grâce à ce dispositif, plus de 180 personnes ont déjà été formées à des postes de télé conseillers et de chargés d’accueil. Si un diplôme, un stage, une formation en alternance ou en apprentissage ne sont jamais une garantie pour décrocher un CDI, ils n’en constituent pas moins les meilleurs atouts, pour les personnes handicapées comme les autres. L’accueil de stagiaires, d’alternants ou d’apprentis en situation de handicap par les entreprises a aussi l’avantage de rapprocher les deux mondes. Leur présence permet aux opérationnels et aux collaborateurs de l’entreprise, qui ont encore souvent peur de travailler avec une personne en situation de handicap, d’apprivoiser cette réalité et de découvrir le potentiel de la personne. De leur côté, les stagiaires apprennent eux aussi à dépasser leurs appréhensions et à découvrir un monde du travail dans lequel ils peinent parfois à se projeter…
Source :
Anne-Isabelle Barthélémy
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