Se lancer dans des études lorsqu’on est en situation de handicap peut être un vrai parcours du combattant. Cependant, il existe de nombreuses actions possibles pour pallier les difficultés rencontrées : les aménagements matériels et les adaptations pédagogiques. Si les premiers sont souvent bien connus, ce n’est pas le cas des secondes. Nous avons rencontré Benoît Blossier, physicien et chercheur au CNRS.
Que sont les adaptations pédagogiques ? En quoi consistent-elles ?
Les adaptations pédagogiques sont des pratiques et des outils mis en œuvre pour permettre l’égalité des chances de tout étudiant en situation de handicap ou non. Pour cela, il est important de concevoir l’apprentissage comme une somme de compétences et de notions, plutôt que comme un programme à respecter de manière stricte. Ainsi, l’idée est qu’en partant d’un tronc commun, chaque élève doit acquérir un certain nombre de savoirs d’une manière ou d’une autre. C’est donc là que l’adaptation pédagogique est importante, car elle implique de modifier la manière d’apprendre en fonction du handicap de l’étudiant.
Par exemple, en physique, nous utilisons des diodes lumineuses pour se rendre compte de la fermeture ou non d’un circuit électrique. Pour une personne non-voyante, ces diodes doivent être remplacées par un moteur. Ainsi, si les outils et les moyens ne sont pas les mêmes, la notion finale apprise est similaire à celle proposée aux autres élèves, c’est la manière d’apprendre qui change.
Pour certaines personnes, il s’agit d’adapter les supports de présentation ou d’examen. Une dyslexie peut nécessiter le grisage d’une ligne sur deux dans un tableau, un changement de couleur de la page au lieu du blanc ou l’utilisation d’une police de caractère spécifique. Lorsque nous sommes confrontés à un handicap impliquant une certaine fatigue, nous pouvons raccourcir la durée de l’examen, tout en adaptant les questions pour que les compétences à valider soient toutes présentes. Chaque adaptation est donc très différente suivant le handicap qu’elle compense.
Comment mettre en place ce type d’adaptations ? Quel est le cheminement ?
Le conseil que je donne, c’est d’avoir un dialogue suffisamment tôt dans l’année académique. Aujourd’hui, professeurs et familles sont souvent désemparés face au handicap, car elles ne connaissent pas les adaptations qui existent. Il est donc important d’instaurer un échange incluant l’élève pour déterminer ses points faibles et ses points forts. Grâce à cela, l’établissement pourra tester des solutions, dont certaines seront ensuite choisies par l’élève.
A l’inverse, en parler au dernier moment provoque du stress pour tout le monde, y compris pour l’enseignant qui se sent alors démuni. En effet, ayant une classe à gérer en parallèle, l’adaptation peut être vue comme une montagne infranchissable, alors qu’il s’agit la plupart du temps de réflexes simples à avoir. Le tout est de bien les identifier.
Où trouver de l’aide pour mettre en place des adaptations pédagogiques ?
Je dirais qu’il y a différentes façons pour mettre en place des adaptations. Des ressources existent sur le sujet avec, notamment, la mise en place de professeurs certifiés par les rectorats au sein des « missions académique des professeurs ressource handicap ». Ces professionnels ont une formation complémentaire et font bénéficier de leur savoir lorsqu’ils sont sollicités. Il ne faut donc pas hésiter !
Il existe également sur le site du Ministère de l’Education Nationale une plateforme bien faite avec une foire aux questions. Un bon outil pour trouver un premier niveau de réponses sur les problématiques rencontrées.
Enfin, au niveau du Supérieur, les universités, comme les grandes écoles, ont majoritairement des référents handicap au sein des établissements. Ce sont eux qui font le relais entre l’équipe pédagogique et la famille.
Malgré tout, la meilleure aide se trouve dans la formation des professeurs qui, malheureusement, est encore insuffisante à ce niveau là. Aujourd’hui, de nombreux enseignants sont complètement démunis lorsqu’ils se trouvent face à un élève en situation de handicap par manque de connaissance du sujet. Il est donc important de leur donner les outils dès leur parcours en master.
Vers qui doit-on se tourner pour obtenir ce type d’adaptations ?
Lorsqu’on est parent, il faut se tourner vers le secteur associatif qui est très bien fourni. Ce sont les associations qui pourront d’une part aider dans les démarches et d’autre part sensibiliser le corps enseignant. Pour les élèves ayant plus de 16 ans, je recommande les associations Droit au savoir et @talentEgal qui accompagnent vers l’enseignement supérieur.
Que pourrait-on dire aux professeurs, notamment dans le supérieur, pour les rassurer sur l’aspect chronophage des adaptations ?
Les adaptations pédagogiques sont un sujet encore en défrichage, notamment lorsqu’il s’agit d’aménager des examens. En effet, cela implique un changement de positionnement, souvent difficile, pour évaluer si l’étudiant en situation de handicap a compris un concept plutôt qu’un contenu. L’idéal est de prendre connaissance des aménagements déjà mis en place durant le parcours secondaire de l’étudiant pour les reprendre dans le supérieur. Même s’il est important de réajuster les adaptations, il ne faut pas repartir de zéro.
Quelle que soit la situation à laquelle on est confronté, mon conseil est de communiquer avec l’étudiant dès le début des cours. L’adaptation pédagogique permet à tous d’apprendre mieux. Le tout est de se rendre compte que nous ne sommes jamais seuls dans le bateau.
Et aux étudiants hésitant à entreprendre des études supérieures du fait de leur handicap ?
Que c’est possible moyennant de l’organisation, de la communication et de l’anticipation. La plus grande difficulté en termes d’adaptations, c’est l’examen. Même si le tiers-temps est possible, il n’est pas toujours suffisant. Parfois d’autres aménagements sont nécessaires, comme c’est le cas, par exemple, pour un handicap visuel nécessitant un secrétaire pour la rédaction. Dans ce cas précis où une personne tierce et inconnue doit intervenir, il faut se préparer au maximum pour pallier toute difficulté de compréhension. Pour cela, les examens blancs sont idéals. Il ne faut pas hésiter à les passer avec une personne avec laquelle nous n’avons pas l’habitude de travailler. Cela permet de se mettre en situation pour anticiper les difficultés liées aux épreuves et ainsi réduire le stress que l’imprévu peut occasionner.
Vous êtes en situation de handicap ou parent d’une personne concernée et avez d’autres questions ? N’hésitez-pas à nous contacter !
Quelques ressources pour aller plus loin :
- Le réseau Canopée qui fournit des supports pour l’adaptation.
- Des outils utiles pour les professeurs.
- Des vidéos de sensibilisation de l’Agefiph “handicap & enseignement”.